jeudi 13 janvier 2011

Du collège unique au collège du socle ?

Imaginons le collège de demain, c'était le thème du colloque organisé mercredi 21 janvier par le SE-UNSA en partenariat avec le CRAP et le Café pédagogique. Une journée dense et riche où les arguments en faveur d'un collège du socle commun ont émergé, à l'heure où sa mise en oeuvre chaotique interpelle et interroge les enseignants.

Voici mes premières notes, reprenant les propos de Roger-François Gauthier, consultant à l’UNESCO et professeur associé à l’université Paris V.

"Quels contenus d’enseignement ? Quelles modalités d’évaluations au collège ?  

Est-ce le bon moment ? La question se pose-t-elle différemment depuis la fondation du collège unique en 1975 ?

Le collège est-il venu régulièrement sur l'agenda politique ? Oui, pendant longtemps, désigné comme le maillon faible du système éducatif. Le premier degré est resté longtemps à l'écart, alors que le lycée a suscité du consensus sur le rééquilibrage des filières et la revalorisation du professionnel.
Pour le collège, des oppositions sur sa définition première et politique : le collège unique. Les attaques sont régulières ("collège unique, collège inique"), mais aussi sa défense. Pas de consensus donc sur le collège unique. Les sauvetages viennent d'intellectuels convoqués par les ministres, dénonçant le risque d'un recul sans précédent. Cependant l'argumentaire de défense s'érode. 
Se porter sur les référentiels de contenus (le socle commun) a permis de passer à un autre stade, et on entend moins la critique du collège unique.
Cette résistance au collège unique peut est fondée. Les enseignements du collège, anti-chambre du lycée, ne sont pas adaptés à tous les élèves. "Ces élèves ne sont pas à leur place". Pour l'auteur, ces remarques sont justes !
Soit on va plus loin et on invente le collège unique jusqu'au bout, soit on remet en cause ce collège unique dont les enseignements ne sont pas adaptés à tous

Imaginer demain : la plus grande partie des professeurs sont dans la conscience que le modèle antérieur a atteint ses limites et émerge une volonté de bouger parallèlement à des angoisses. Peu d'immobilisme donc pour l'orateur d'après ces rencontres de professeurs dans les établissements.
Et l'outil du socle commun est une fenêtre pour changer, venant non pas du ministère mais de la représentation nationale.

1. Pessimisme : le risque majeur serait que le collège de demain soit une consécration du collège existant !

Le chemin ancien est fort, pas facile à bouger. Le collège va de soi ! Le collège se différencie du primaire, avec des professeurs à identité disciplinaire, avec des gestions et des langages différents. C'est une structure forte. La rupture entre primaire et secondaire risque de se maintenir. Le premier degré est-il dédié aux fondamentaux et le collège à la culture disciplinaire ? La liaison primaire-collège risque de se prolonger, alors qu'on ne s'interroge pas assez sur l'archéologie de ses marches.
Le paradigme pédagogique du collège risque aussi de se maintenir : disciplines, peu de liens entre elles (pensons  à toutes les "éducations à"), des programmes nationaux et mystérieux (sur les choix des contenus, pas toujours perçus), orientation vers le professionnel par défaut et décidé par l'institution (ce qui a un poids énorme sur leur avenir), du contrôle continu, du rendu des résultats sous forme de moyennes qui alimentent le tri sélectif du lycée. Ce modèle est ancré dans des habitudes et des textes !

Plus préoccupant, sans contrepoids, le contexte est pour le collège de fournir des résultats, de rendre des comptes à l'institution. L'orateur est préoccupé par ce fait qui risque de mettre en compétition des établissements. Ce n'est pas que l'institution ne doive pas demander des comptes, mais cette demande technocratique forte (inspirée par la LOLF notamment) doit s'arrêter à la porte de la salle des profs, qui ne peuvent la prendre en compte. Divorce entre des demandes de résultats fondés dans son principe mais des indicateurs non pensés en terme de pédagogie. Comment mesurer des résultats dans un collège. Faire parler les résultats du DNB ? "soyons sérieux", selon l'orateur.Tout cela ne se fait pas au service de l'amélioration des résultats des élèves, dérive technocratique.Ce collège peut donc devenir encore plus excluant, avec un socle qui sera celui des pauvres ?
A l'origine, le collège, pensé comme l'anti-chambre du lycée, se concevait pour un public qui était homogène. Les moyennes n'y avaient pas de contestations. On créait des résultats sur 20 pour orienter. Ce système s'est imposé à la massification.

Sommes-nous les seuls, en France, confrontés à ces problèmes ? Il a fallu du temps pour comprendre que la politique de l'accès n'entraine pas automatiquement la politique du succès. Ouvrir les portes de l'école doit amener à la refonder.Beaucoup de personnes s'interrogent sur le modèle scolaire dans les instances internationales. Des attaques viennent notamment du e-learning, présentée comme la voie de la marchandisation de l'éducation. Ce n'est pas une rêverie. Cette perspective de segmentation d'une offre d'éducation va au contraire du socle commun.

2. cahiers des charges d'un collège de demain qui serait autre et qui répondrait aux défis actuels
Quatre entrées (risques/réponses) :

a) Comment construire le collège du socle commun ? Il faut surmonter le soupçon de la "primarisation" du collège. Le socle est un objectif. Il a pleins de défaut, aura sans doute d'autres versions (peu de travaux de recherche pris en compte) mais a un immense mérite : l'objectif culturel. Ce n'est pas un socle instrumental (des moutures avaient circulé, avec des versions libérales supprimant l'histoire). Le Parlement a rétabli une logique française. Régulièrement, des personnes qui n'ont pas lu le socle le ramène à des savoirs instrumentaux (lire, écrire, compter). Cette vision est restrictive et archaïque ! Rappeler aussi que la culture commence aussi à la maternelle. Attention aux effets pervers, et gardons une vision systémique. Donc des obstacles intellectuels (focalisation archaïque) sont à surmonter.

b) Comment construire le collège des savoirs responsables ? 
Le mot "compétence" inquiète les professeurs, tant l'institution a tout fait pour qu'il inquiète. Ce serait la fin des savoirs pour une école tournée vers les besoins du patronat ! Evitons les guerres de religion. 
Un philosophe sénégalais relisant Platon s'interroge (Ménon et l'esclave et le problème du carré de surface double) pour savoir si Socrate enseigne des savoirs ou des compétences, et conclut que Socrate enseigne bien tout simplement. La question est surtout d'enseigner mieux à travers la découverte progressive de la complexité. Ce n'est pas une mise au rencart des savoirs.
Une fois que ces savoirs sont enseignés, quel en est l'effet ? Qu'est-ce qui est passé, qu'est-ce qui imprègne les élèves ou pas ? Le collège ouvre des boîtes passionnantes, des questions sur les fondements des savoirs scolaires, dont nous ne sommes pas propriétaires. Nous avons des métiers de professionnels face aux savoirs scolaires, tout simplement. Le sens des apprentissages doit être réassuré, il en tirera plus de légitimité
Au-dessus des programmes, le socle est une recommandation de la représentation nationale.

c) Comment construire le collège de la mise en confiance ?
Il est important de rappeler que le collège est fondé sur la fabrication de résultats qui sont inacceptables dans leur fondement intellectuel : tout est agrégé par la moyenne, par la question du passage en classe supérieure, par la réussite au brevet. On court de décisions définitives en décisions définitives, le pire étant l'orientation. Il faut imaginer autre chose, de plus chromatique ( et non plus en noir et blanc), pour prendre en sérieux les savoirs scolaires. La note est inutile si elle ne fait qu'enfoncer les élèves. Se détacher d'appréciations sur le niveau moyen des élèves.

d) Comment construire le collège de la mise en conscience ?
Le risque est aussi qu'on ne voit pas autre chose. Les collèges sont tous identiques, définis de manière uniforme au niveau national. Le contrôle est permanent, par l'inspection des enseignants (inadaptée pour l'auteur). Ce qui frappe l'auteur, c'est la très faible conscience de ce que font les acteurs des collèges, de l'impact des actes. Les établissements doivent prendre conscience de leurs actions, en s'auto-évaluant. S'ils ne veulent pas être caricaturés par des évaluations externes qui ont peu de sens, il faut prendre en charge l'amélioration des apprentissages dans le collège. L'auto-évaluation interne doit être au programme des établissements. L'amélioration doit venir des établissements (dynamique écossaise) : c'est un appel à l'autonomie et à la responsabilité des collèges.
 
Ces notes se veulent les plus fidèles possibles aux propos de Roger-François Gauthier, sans intention de les détourner.

Pour en savoir plus :

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