mardi 9 novembre 2010

Enseignants, vous ne tiendrez pas longtemps dans une optique de transmission de connaissances !

Je viens d'assister à une conférence organisée pour des collèges de l'agglomération elbeuvienne (du pôle de proximité elbeuvien de la CREA, techniquement parlant pour un prof d'HG...). Je craignais un discours lénifiant sur le socle commun, sa mise en oeuvre, sa validation, mais je n'ai pas été du tout déçu du voyage (qui a consisté à traverser la Seine). Le développement de Dominique Raulin a éclairé, structuré et conforté ma "pensée" et mes (débuts de) pratiques concernant le travail par compétences.
Parmi les idées qui m'ont particulièrement plu, celle de distinguer très clairement l'évaluation du socle (le livret personnel de compétences) du travail par compétences, celle d'affirmer que la transmission des savoirs n'est plus au coeur de notre métier, ou encore celle de porter un regard nécessairement nouveau sur les élèves (et on ne parle pas seulement de la bienveillance des professeurs envers les élèves ou de leur souci de les faire réussir). Dominique Raulin s'exprime avec une liberté de ton d'un pédagogue reconnu et averti qui porte un regard critique et engagé sur le socle commun, mais surtout sur l'apprentissage par les compétences, qu'il place au coeur des enjeux éducatifs actuels. Je me suis régalé des nombreuses anecdotes de l'auteur, de ses métaphores filées (ha, le maître-nageur !), qui ont rendu son powerpoint vivant et incarné (qui ont fait du powerpoint le simple squelette qu'il ne devrait être qu'à chaque fois, et non un pauvrepoint...). Parfois, ce sont carrément des digressions [vous les reconnaîtrez ainsi dans le texte].
Pour reprendre l'auteur, la tâche s'annonce immense, et pour reprendre une rengaine de Jean-Michel Zakhartchouk, un collègue formateur du CRAP, il faut aussi faire preuve d'humilité face aux compétences. C'est peut-être ainsi qu'il faut comprendre la dernière réponse de Dominique Raulin aux questions de l'assistance...

Bonne lecture ! Prévoyez le temps, ce n'est pas un article adapté à une communication de blog (il paraît qu'il ne faut pas dépasser 5000 signes...). Ceci est un compte-rendu de conférence pris consciencieusement mais qui peut peut-être contenir des approximations. Pour ceux qui ont assisté, merci de corriger et n'hésitez pas à réagir à cet article.

Pour ceux qui veulent en savoir plus, cette conférence fait pour ma part aussi écho à celle des rencontres d'automne du CRAP autour de l'accompagnement éducatif.
Je profite de cette conférence pour enrichir ma carte mentale sur l'enseignement par compétences (des ressources, des débats...).




L'approche par les compétences : quels changements ?

Conférence de Dominique Raulin, agrégé de mathématiques, didacticien des mathématiques, ancien chargé de programmes au ministère, directeur actuel du CRDP d'Orléans

St-Pierre-lès-Elbeuf,
le 9 novembre 2010

Le changement actuel est plus profond qu'un simple changement de programmes. Au coeur du changement et du métier d'enseignant, les apprentissages sont plus importants que les évaluations.

1. les évolutions en cours

a) le socle commun

La nouvelle définition du mot « compétence ». Auparavant, « être capable de ». Dans le socle, approche différente. Polysémie des usages du mot.
Les sept compétences sont fixées par le décret du 11 juillet 2006, qui permet d'appliquer la loi. Les programmes relèvent d'arrêtés ministériels, comme les structures d'enseignement. Donc dans la hiérarchisation juridique, le socle l'emporte sur le programmes. Les compétences sont « conçues comme une combinaison de connaissances fondamentales pour notre temps, de capacités à les mettre en oeuvre dans des situations variées et d'attitudes indispensables tout au long de la vie. » Amalgame de trois termes, reprenant une définition des instances européennes. La France a été un moteur dans la construction de cette définition (cf Eurydice.org) et ce n'est donc pas une vision imposée par l'Europe. Les rédacteurs européens ont écrit en anglais, mais faux amis de « aptitude » traduit en capacités. Débat pour les Français pour savoir si compétence est un terme générique ou si c'est capacité. Le choix a été fait sur le mot compétence. Un flou existe.
Cette définition devrait mettre un terme à la querelle entre Meirieu et Finkelfraut, ce dernier plaidant pour la transmission des connaissances. Ici, la connaissance doit être utilisée pour faire quelque chose. Mais les compétences par ailleurs doivent être inscrites dans un champ de connaissances : argumenter n'a pas la même signification en Mathématiques et en Histoire. La plupart des programmes font désormais des références qui dépassent le cadre et l'utilité scolaires, et évoquent l'intérêt des compétences pour le quotidien des citoyens. Mais qu'est-ce qu'une « connaissance fondamentale pour notre temps » ? Exemple du futur antérieur en CM1 ? Cela laisse perplexe l'auteur. Même perplexité pour « indispensables tout au long de la vie ». Qui en 1920 aurait pu imaginer les compétences indispensables tout au long de la vie pour aujourd'hui ? L'intérêt de cette définition reste dans l'articulation des trois termes pour définir les compétences.

Peu de lois parlent des programmes scolaires en France, sauf à remonter à Ferry et au lire, écrire, compter, qu'on retrouve dans les 7 compétences actuelles. Dans le socle, les fondamentaux apparaissent (le « viatique »). Certains pays s'en contentent, comme l'Angleterre de Thatcher en 1985 ou l'Italie qui fixe aussi ses programmes par la loi. Nos parlementaires ont ajouté la culture scientifique et technologique. En plus du viatique, une culture. Bien sûr la culture humaniste est héritière des Jésuites, donc une tradition existe, mais en plus on ajoute une culture scientifique, moins légitime. Cette culture doit permettre d'exercer la citoyenneté, selon les parlementaires (art.9). Enfin, en dehors du texte de loi, les deux dernières compétences (sociales et civiques, initiatives et autonomie) ont été ajoutées par l'administration. Selon le HCE, on ne peut reprocher à un élève de ne pas avoir des qualités non enseignées si cela a des effets sur son orientation (comme en conseil de classe de 3e par exemple). Les compétences sont donc à prendre en charge pour tous les élèves ! Et cela risque d'être délicat à gérer.

b) les nouveaux programmes

La majorité des nouveaux programmes font référence à des questions de compétences et/ou de capacités (sauf en Français, où c'est encore moins explicite en terme de compétences qu'en 1996 !). Or, le recul de la maîtrise de la langue française a entraîné une nouvelle proposition de programmation. Neuf millions d'élèves français ont connu ces programmes de Français appliqués pendant 12 ans. Les programmes de l'école primaire émiettent complètement les savoirs. Les programmes d'enseignement général de Bac Pro prennent aussi en compte les compétences. Les futurs programmes de LEGT : la recommandation du HCE (10 décembre 2009) appelle à une prise en compte des compétences. Donc c'est un changement en profondeur qui s'initie, même à l'université. Ce n'est pas un choix idéologique.

Deux réalités :
  • on ne sait plus ce qu'il faut enseigner. Après la chute du mur de Berlin, en 1995-96, on demande à ce que l'événement rentre dans le champ scolaire (D. Raulin). La question qui s'est posée a été de savoir ce qu'il fallait retirer ! Les programmes ont tendance ainsi à empiler les savoirs encyclopédiques. De même en Mathématiques avec l'introduction des statistiques. De même en SVT avec le SIDA. Il n'y a aucune règle dictant le choix des contenus d'enseignement. A quoi sert votre discipline ? quelles compétences apporte-t-elle ? Ces questions simplifient l'élaboration des programmes.
  • Jusqu'aux années 1990, les sources de connaissances étaient l'école et les familles, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui ! Nous ne pouvons plus faire semblant d'être les détenteurs de la connaissance. Mais autant on peut accéder aux savoirs sur Internet, autant leur appropriation diffère. Il faut de plus savoir s'en servir. C'est notre travail d'enseignant de développer des compétences. Cela modifie également ce qui se passe dans les heures de cours. La priorité n'est plus la transmission des connaissances dans la classe !

c) un constat, reflet de différents risques

Le déclencheur : la prise en compte au DNB. Un problème d'évaluation... Les risques imaginables : remplir des grilles, faire de l'évaluationite, émietter les compétences. Le livret personnel de compétences est binaire, avec oui et non, avec des dates d' « acquisition » à compléter. En primaire, on parle d' « en cours d'acquisition » ! [pour D.R., perplexité face à ce terme d'acquisition, car les apprentissages sont continus] Autre risque : ne pas prendre en compte l'approche transversale du socle commun : maintenir la structure tubulaire. Il ne faut pas se répartir le gâteau mais travailler de paire pour construire les capacités. A quoi veut-on former les élèves ?
Une piste : distinguer l'évaluation institutionnelle et l'évaluation (pédagogique) menée par le professeur et l'équipe de professeurs. Il faut porter un regard sur le travail des élèves. Ne pas s'enfermer dans le carcan des items du socle pour le DNB. Ne pas assimiler les changements en cours avec cette demande institutionnelle.

2. les apprentissages

[Sur le socle commun, même si beaucoup de choses déplaisent, il a une logique et est issu d'un consensus.]

a) compétences et capacités

[Personne ne sait comment faire : nécessité de cultiver le terrain. Pas d'anciens pour nous chapeauter ! D'autre part, l'âge d'or n'a pas existé (cf F. Buisson). Mais le terrain a été cerné. C'est celui-là qui a été défriché et qui doit être mis en oeuvre]
Ce n'est pas le premier changement de programmes ! Mais ceux-ci posent de véritables nouvelles questions car :
  • on ne traite pas les compétences/capacités comme les connaissances
  • le socle commun se surajoute aux programmes
On n'enseigne pas une compétence/capacité : on permet aux élèves de la développer. Si l'élève ne pratique pas lui-même, comme le théorème de Pythagore, il ne pourra le maîtriser. Mais comme pour le vélo, s'il ne veut pas apprendre, il n'apprendra pas ! « La métaphore du maître nageur » (© D.R.), qui n'est jamais dans l'eau, et qui a une réussite exceptionnelle. Rien ne sert d'apprendre les gestes en dehors de l'eau. Le professeur doit se mettre dans la peau du maître-nageur, qui place l'élève dans une situation complexe, et qui ne fait pas à la place de l'élève. Finalement, dans l'enseignement actuel, on se retrouve devant l'élève à nager (voire à ramer...). Quel intérêt pour le maître-nageur de montrer aux élèves qu'il nage bien ? Concernant l'apprentissage de la lecture on ne fait pas semblant de lire. Les enseignants de CP ne lisent pas à la place des élèves. Souvent, dans le secondaire, on renvoie à la maison la pratique des compétences. Or à la maison il n'y a pas toujours de piscine ! C'est un cercle infernal pour le transformer en cercle vertueux. Le travail renvoyé à la maison renforce la crispation autour des apprentissages.

b) l'organisation des apprentissages

Il faut mettre les élèves en activité, les faire travailler en classe, faire par exemple de la recherche documentaire pour mobiliser les connaissances. Le cours dialogué peut donner l'illusion d'une réussite et d'une bonne participation de la classe. Dans ce type de cours, le professeur – maçon prend les briques apportées par les élèves, délaissant parfois les cailloux qui ne servent pas. Le groupe-classe est manipulé. N'est retenu que ce qui est intéressant pour le professeur. Aucun élève n'aurait été capable de construire le mur, mais l'illusion subsiste. On a aucune idée de ce que l'élève aurait pu faire. Ce n'est pas un apprentissage collectif. Ils ont contribué à une réalisation collective. Doubles abus du prof et des élèves.
Il faut proposer des tâches complexes, porteuses de sens, qui comportent intrinsèquement une multitude d'entrées possibles. Pour apprendre le vélo, n'y a-t-il qu'une seule méthode ? Faut-il décomposer l'équilibre du pédalage ou du freinage ? La décomposition est ridicule car elle perd du sens d'apprentissages. Plus la tâche est complexe, plus il y a de chance d'entrer dans l'apprentissage. Dans l'apprentissage traditionnel de la musique (en école agréée), il faut apprendre le solfège d'abord... (avec examen et redoublement !!!). En Angleterre et aux USA, on commence l'instrument directement, par l'expérimentation. La nécessité de l'apprentissage du solfège naît alors. Plus les élèves sont en difficulté, plus la tâche doit être globale, complexe. La mono-activité est dangereuse et entraîne souvent le blocage immédiatement. Le tout n'est pas la somme des parties. La difficulté est que cette tâche doit être complexe mais accessible.
Il ne faut pas imposer un seul cheminement. En imposant un itinéraire, on risque de poser un obstacle. [question de l'assistance : comment en 6e faire progresser un élève qui ne maîtrise pas la phrase avec des tâches complexes ? - pari de la tâche complexe pour regarder ce que fait l'élève pour l'amener à progresser].
Il faut proposer des tâches accessibles.
Il faut faire évoluer le regard porté sur le travail des élèves :
  • le recherche des symptômes
  • l'analyse des symptômes : en amont (leur origine), en aval (leurs conséquences sur les apprentissages ultérieurs). Or, nous avons tendance à corriger les erreurs de la même façon, de manière uniforme. Nous visons systématiquement la perfection quand nous corrigeons les travaux d'élèves. Y-aurait-il un absolu dans le domaine intellectuel ? Peut-on distinguer ce qui est indispensable pour la suite des études ? Est-ce que le symptôme se répète (un élève qui ne distingue pas le futur du passé par exemple) ?
  • Le diagnostique : l'expertise du pédagogue; la place de l'élève dans la recherche du diagnostique.
  • Le traitement : une nouvelle activité
[« Vous ne tiendrez pas longtemps dans une optique de transmission de connaissances ». Il faut comprendre la logique de changement d'enseignement.]

c) des écueils à éviter

  • Emietter : donner des travaux mono-objectifs
(sous-partie non développée par manque de temps)

d) des pistes de mise en oeuvre

Dans chaque enseignement :
  • repérer des éléments structurants : ce que les élèves doivent savoir et savoir faire, l'année suivante
  • hiérarchiser les contenus car tout n'a pas la même importance.
En Histoire-Géographie, on peut mettre tout sur le même plan, mais les élèves n'ont pas la capacité de hiérarchiser tout le contenu transmis. Que souhaitons-nous que l'élève retienne en 5e ? Ce n'est pas simple à résoudre. L'exemple de l'activité des fiches de lecture suppose que l'élève a lu un livre en entier. Il est bien entendu incapable de citer une phrase p.42. Pourtant, en cours, nous pouvons faire preuve d'une illusion collective du fondamental, de la connaissance instruite en classe, que l'élève pourrait remobiliser. Ce n'est pas le cas dans une fiche de lecture, où l'élève doit hiérarchiser les savoirs, ce qui ne signifie pas en exclure. Il faut structurer la pensée des élèves.
Sommes-nous capables de le faire ? Question qui ne concerne pas seulement les compétences des enseignants mais aussi et surtout la structure scolaire.

3) enjeux et perspectives

A peine traité faute de temps
Changements de paradigme
  • fin d'une école sanctuaire qui transmet les savoirs
  • du professeur savant au professeur sachant faire apprendre
  • on ne compare plus les élèves entre eux

Questions de l'assistance

  • Quid des 10% en grand échec qui ne veulent pas rentrer en apprentissages ?
« les compétences n'y répondent pas. Nous sommes généralistes. » « Nous allons nous retrouver dans la position du médecin face aux maladies incurables. » Certaines questions dépassent la question d'enseignement. La situation actuelle, insatisfaisante, est celle du moins pire !
[Brouhaha dans la salle qui visiblement ne peut se contenter de cette réponse .Mais toujours faute de temps, DP ne peut développer sa pensée]
  • Comment faire en classe quand on s'occupe de 25 élèves ou plus ?
Ne pas penser changer tout du jour au lendemain, mais commencer par introduire un changement de regard sur l'élève.
[bon là, ça partait un peu dans tous les sens, donc je n'ai pas tout noté]
Fin de conférence

16 commentaires:

Emmanuel a dit…

Vous portez un regard bien complaisant sur le propos tenu. C'est votre droit. Je n'ai pas assisté à cette réunion mais le compte rendu que vous en faites ne me semble pas fondamentalement varier des habitudes institutionnelles en terme de langage et de discours...mais mon propos n'est pas là. Le socle commun, quelle que soit la forme qu'il prenne et par laquelle on veut l'établir (les médisants parleront peut être de couleur de la pilule amère à faire avaler), n'est-il pas une façon pour l'institution scolaire, et en particulier pour le collège, de reconnaitre les différences socio-culturelles et non plus de les combattre mais bien de les accepter. Je reconnais une forme d'intérêt au discours sur les "compétences" et je reconnais également la stupidité de programmes encyclopédique interminables. Mais opposer l'un à l'autre de façon manichéenne comme le fait votre intervenant me semble au moins caricatural, au plus totalement faux. Il s'agit là d'une stratégie discursive assez commune aux membres de l'institution scolaire quand il s'agit de gagner un public à sa cause (de même que les effets de manche et autres métaphores filées savoureuses). En quoi des compétences s'opposeraient-ils à la maitrise de savoirs? En quoi est-ce antithétique?
Tout cela me parait en fait assez fumeux. Votre intervenant évoque une possibilité mais ne développe rien et en fait, élude les questions sensibles, tout au plus trace-t-il des cadres généraux théoriques qui n'ont aucune espèce de prise sur le réel, ne serait-ce que parce que l'on connait bien l'inertie et la lourdeur du quotidien dnas un établissement scolaire...sauf si l'on met des petits chefs derrière les profs, comme cela semble se dessiner avec le programme CLAIR par exemple...Le socle commun et son évaluation est une exigence des institutions européennes. L'E.N. l'applique à sa sauce mais derrière les belles prétentions et le discours enjoliveurs de ceux qui y croient (ou qui feignent d'y croire) il y a fort à parier que se profilera la réalité suivante: un enseignement à plusieurs vitesses qui acceptera les différences sociales et culturelles, et mieux les accroitra et les validera. Aux pauvres, le minimum, aux riches le plus possible...
Le socle commun cache une régression et un abandon dramatique des enjeux de l'école républicaine (mais quoi de plus logique à une époque où la République ne cherche plus à effacer les inégalités sociales).Dire qu'il s'agit de "révolutionner l'enseignement" est sans doute attractif et enthousiasmant mais selon moi il s'agit juste de participer à la destruction de principes, au nom d'exigences financières,politiuqes et idéologiques, sans que cela ne se voit trop.

Anthony Lozac'h a dit…

J'ai assisté à un certain nombre de conférences ou d'interventions sur le socle commun et les compétences et celle-ci m'a semblé très pertinente, loin d'un catéchisme du socle, car DR a cherché a faire consensus autour de la définiton des compétences et des changements que le travail par les compétences comportait. Mon « regard bien complaisant » est plus une conviction, celui que les apprentissages par compétences est une clé à explorer et mettre en oeuvre. Je vous réponds sur quelques points.
« Opposer l'un à l'autre (connaissances et compétences) de façon manichéenne comme le fait votre intervenant me semble au moins caricatural, au plus totalement faux. » Ce n'est pas la vision développée par DR, qui renvoie Finkielkraut et Meirieu dos-à-dos : « La connaissance doit être utilisée pour faire quelque chose. Mais les compétences par ailleurs doivent être inscrites dans un champ de connaissances ». Je suis désolé que la lecture de mon CR ait mené à ce contresens. De même, le choix du titre de l'article (enseignants, vous ne tiendrez pas dans l'optique d'une transmission de connaissances) ne signifie pas qu'on abandonne la transmission des connaissances, mais qu'on met en place une autre façon de les transmettre, qui n'est d'ailleurs pas forcément nouvelle ou révolutionnaire puisque de nombreux pédagogues l'ont développée et pratiquée auparavant. Ce qui est nouveau, c'est le virage institutionnel. Il n'a donc jamais été affirmé que les compétences s'opposent à la maîtrise des compétences, au contraire.

Vous accusez l'EN de nous manipuler avec des discours « fumeux » pour « un enseignement à plusieurs vitesses qui acceptera les différences sociales et culturelles, et mieux les accroitra et les validera. Aux pauvres, le minimum, aux riches le plus possible... » ça n'existe pas déjà ? DR a dénoncé cette dérive si le socle commun ne s'accompagne pas d'une transformation des apprentissages, qui sont pour lui les véritables enjeux en cours, plus que l'évaluation du socle. Ce socle cacherait selon vous « une régression et un abandon dramatique des enjeux de l'école républicaine (…) à la destruction de principes, au nom d'exigences financières, politiques et idéologiques, sans que cela ne se voit trop. » De quels enjeux parlez-vous ? La réussite de tous les élèves, leur intégration dans la société grâce à l'orientation et à une formation citoyenne, l'égalité des chances ? En quoi le travail par les compétences entrave ces objectifs ? Votre discours, je l'ai lu sur de nombreux sites, j'ai entendu parler de « smic culturel » à propos du socle. Jamais je n'ai lu de la part de leurs auteurs des solutions à la crise traversée actuellement par le collège et l'école de manière générale, si ce n'est restaurer l'autorité du professeur ou l'orientation précoce des élèves qui gênent l'enseignement simultané parce qu'ils ne peuvent le suivre. Je suis fondamentalement opposé à ce modèle incantatoire, pour le coup de la pure rhétorique bien éloigné des réalités. Il faudra bien montrer enfin en quoi ces pratiques pédagogiques (les apprentissages par les compétences) sont moins républicaines que d'autres.

Anthony Lozac'h a dit…

Quant aux présupposés idéologiques du socle, pensez-vous (comme A. Del Rey ou Nico Hirrt) que les professeurs qui se sont engagés ou qui s'engageront dans le travail par les compétences et dans l'évaluation du socle seront les agents du grand capital chargés de former leurs élèves à l'employabilité ? Au service d'un projet scolaire néo-libéral ? Certes, la définition des piliers du socle vient directement de l'Europe et de la stratégie de Lisbonne. Notre modèle éducatif serait-il pour autant dicté par le diable ? Voici une présentation de la dimension européenne qui remet des éléments dans leur contexte, y compris pédagogique (Piaget, les socio-constructivistes) et rappelle la large autonomie des professeurs dans son application.
http://www2.crdp-reims.fr/crdp/index.php?id=330
Croire que les compétences constituent l'absolu de la réussite de nos élèves est une illusion, de même qu'une seule méthode pédagogique puisse supplanter les autres, faisaint fi du passé. Les enjeux pédagogiques sont de donner du sens aux apprentissages, notamment à travers leur transversalité, leur hiérarchisation, de non plus transmettre uniquement des connaissances mais de mettre en place des stratégies d'apprentissages qui garantissent une acquisition et une utilisation réelle des connaissances. Je choisis de m'engager dans l'apprentissage par les compétences parce qu'il me semble que c'est autrement plus ambitieux et plus utile pour les élèves, et autrement plus motivant pour moi. Je souscris au virage institutionnel parce qu'il est le moteur du changement, en permettant aux professeurs d'agir collectivement (je n'ai pas dit de manière uniforme). On peut déplorer par contre le manque de moyens (temps de concertation, formations) accordés pour mettre en oeuvre cette réforme, avec la liquidition de la formation professionnelle, ainsi que la précipitation de la réforme qui font penser qu'on pourrait difficilement plus mal s'y prendre pour donner de la considération aux compétences.

Pour terminer, le public des professeurs est en effet rester sur sa fin, suite à la conférence, et aurait aimer aborder plus en profondeur les pratiques. Les questions posées renvoyaient souvent à des questions de structure et de terrain : « comment faire pour individualiser avec 27
élèves ? » « Comment faire avec les élèves qui refusent de rentrer dans l'activité ou qui ne peuvent vraiment pas » ? On aimerait vraiment avoir une réponse toute faite, mais existe-t-elle ? DR disposait de deux heures, et elles furent déjà très riches.

Emmanuel a dit…

Par principe libertaire, je me méfie quand l'institution propose et se montre aussi enthousiaste. Je me méfie de l'institution en général. Je me méfie du discours institutionnel quand il se veut entrainant parce qu'il ne parvient pas à cacher qu'il est avant tout impératif, par nature.
Que les choses soient claires; je suis bien moins au fait que vous des questions d'évaluations par compétences qui ont sans doute leur intérêt et qui méritent d'amples débats, à n'en pas douter.
Je rejette l'application qu'en fait l'institution au travers du livret de compétences qui, couplé à d'autres dispositifs reformule des projets pédagogiques porteurs dans un sens restrictif, coercitif et, j'ose, réactionnaire.

Vous émettez quelques regrets sur le manque de moyen et de temps mais c'est une part du problème non négligeable. On demande au corps enseignant de réaliser sa révolution et en parallèle on assèche ses moyens d'actions (même si les moyens ne font pas tout) et on s'évertue à brider la liberté pédagogique et l'autonomie de l'enseignant par une précarisation accentuée du métier (contractuels, tzr, compléments de service...)et par un "flicage" développé par l'autonomie des établissements et autres réjouissances...
Encore une fois, je ne discute pas des enjeux pédagogiques, sans doute fort intéressant et fort stimulant et je vous fais crédit de cet intérêt tant mes connaissances sur le sujet sont faibles.
Mais, et c'est une position personnelle, je me refuse dans le contexte actuel à adhérer avec enthousiasme aux propositions qui nous sont faites. Propositions qui sont plutôt des injonctions, voire des ordres puisque dans le cadre du fonctionnariat d'Etat nous sommes, professeurs, soumis à un échelon hiérarchique et à une chaine de commandement, quelle que soit le discours lénifiant qu'on pourra nous tenir.
La stratégie de Lisbonne que vous évoquez est pourtant claire. Les textes officiels le rappellent l'éducation doit former désormais de la main d'oeuvre, plus ou moins bon marché, plus ou moins apte à différents niveaux des échelons des chaînes de production avant toute chose. Que les états parsèment le tout de culture humaniste ou scientifique, libre à eux sans doute, l'important n'est pas là mais dans cette homogénéisation par le bas, telle qu'elle est provoquée par les politiques européennes.

QUe l'éducation à plusieurs vitesses existe déjà, j'en conviens parfaitement. Mais vous semblez du coup l'entériner et c'est ce que je reproche à cette dynamique: l'abandon de la dimension émancipatrice de l'éducation au profit d'une soumission à un ordre économique régulateur où chacun trouvera sa place fixe. LEs textes évoquent une société qui changent dans laquelle els "citoyens" doivent s'intégrer. Une société qui change et des citoyens qui s'adaptent? Ils n'ont donc plus de prise sur le changement social? Qui dicte ce dernier alors? Qui le maitrise?

Emmanuel a dit…

J'ai conscience que je déplace la discussion sur un terrain moins technique que celui que vous abordiez mais je suis convaincu que les questiosn techniques ne peuvent s'envisager de façon neutre, sans regard pour le fond et sur le climat idéologique et philosophique qui prévaut à leur élaboration.

Alors évidemment que sur le terrain dans une certaine mesure, et selon votre schéma, chacun devrait garder sa liberté et son autonomie...sauf que nous n'en prenons pas le chemin si l'on porte le regard sur les propositions faites sur l'autonomie des établissements (j'y reviens)...vous négligez ou n'évoquez pas cet aspect. Pour moi votre approche purement "technicienne" de la question est louable dans le sens où elle est riche d'une réflexion et porteuse d'intérêt mais est aveugle sur bien trop de points contextuels (vous êtes pourtant historien me semble-t-il?) qui la dévalorisent et réduiront ses nobles ambitions à quelques agitations rituelles ou à des mécanismes inertes de sélection scolaire brutaux et sans profondeur.

Anthony Lozac'h a dit…

Je ne suis pas aveugle des points de vue contextuels, je ne partage pas votre analyse, c'est différent. De votre côté, vous vous enfermez dans un discours idéologique sans plus répondre aux enjeux éducatifs et pédagogiques actuels.
L'institution que vous évoquez n'a pas une vision uniforme ni forcément enthousiaste du socle commun. Est-il de gauche ou est-il de droite ? Porté par des gouvernements de droite, la gauche, du moins le PS, revendique aussi l'idée, quitte à en modifier le contenu. L'idée du socle fait aujourd'hui plutôt consensus dans les partis « majoritaires » (je ne dis pas qu'ils ont forcément raison face aux minoritaires, c'est plus pour ancrer la réalité politique actuelle face au socle). D'un point de vue citoyen, et en tant qu'enseignant, je suis favorable à cette forme de contractualisation d'une base de connaissances et de compétences essentielles aux élèves pour aller plus haut à l'issue de l'enseignement obligatoire, même si on peut formuler des nombreuses critiques sur ce livret de compétences et son mode d'évaluation binaire. Pour rappel, nos propos portent ici essentiellement sur le travail par les compétences, à distinguer de l'évaluation institutionnelle. Néanmoins, j'essaierai de vous répondre sur les points contextuels et institutionnels que vous évoquez.

Je comprends votre démonstration et suis sensible à la vigilance nécessaire à l'accueil de toute réforme portée dans un tel contexte. Je ne suis pas historien, mais prof d'histoire-géo. Et je ne confondrai pas pour autant le contexte actuel à celui des fonctionnaires de 1940. Je n'émets pas « quelques regrets » concernant la casse actuelle de la formation, je la condamne. Vous utilisez un raccourci : penser que l'enseignement par les compétences et le socle commun agiront pour « l'abandon de la dimension émancipatrice de l'éducation au profit d'une soumission à un ordre économique régulateur où chacun trouvera sa place fixe. » A part agiter la stratégie de Lisbonne et quelques items du socle mal ficelé et de fait vide de sens (qui portent le risque d'une dérive d'évaluation comportementaliste, comme la note de vie scolaire...), l'argumentaire ne tient pas longtemps. Il me semble même que l'organisation scolaire actuelle, et surtout au collège, est plus apte à former de l'obéissance plutôt que de la compétence, de la citoyenneté d'adhésion plutôt que de la citoyenneté réflexive. Maintenir le système actuel est autrement plus pervers pour la jeunesse actuelle. J'ai du mal à lire l'émancipation sur le visage de mes élèves qui enchaînent les enseignements simultanés avec la même classe, avec une mécanique d'apprentissage tayloriste.

Anthony Lozac'h a dit…

Se pose la question de l'autonomie des élèves, et des établissements. Une des clés (à mon avis) sur la question de l'autonomie des élèves est de considérer le terme au sens premier, c'est à dire la capacité de chacun à forger son propre gouvernement. C'est différent de l'employabilité. Il s'agit d'apprendre à choisir, à comprendre les enjeux de société et à agir en conséquence. Je partage votre souci de former des citoyens acteurs et responsables de la société. Il faudra encore une fois montrer que notre système actuel y parvient et que l'enseignement par compétences va contre ! A mon avis, les apprentissages par compétences sont pertinents pour former les élèves à une réelle autonomie. L'autonomie des établissements est aussi à double sens. Dans les discours sur l'avenir de l'école, on peut l'entendre comme un système de management plus autoritaire (c'est une risque en effet) mais aussi comme la possibilité donnée aux équipes pédagogiques de prendre plus en main la question éducative et pédagogique.
Enfin, comment assimiler des questions pédagogiques à des propos « techniciens » ? Vous êtes enseignants, vous ne pouvez pas considérer que votre manière d'enseigner est neutre et uniquement dictée par l'institution. Comment ne pas lier la pédagogie à la philosophie et même à la politique ?Nos choix pédagogiques sont révélateurs d'une vision de l'école, des élèves, de la société. Et ils agissent sur les élèves. Vous négligez la pédagogie et la formidable capacité d'action des enseignants, alors même que vous réclamez des élèves qu'ils deviennent acteurs de la société. Vous êtes soucieux de la liberté pédagogique, et bien vous avez affaire à un gouvernement qui n'en a jamais parlé autant ! Contradiction avec le socle ? Autre point pour nuancer l'action institutionnelle : face aux injonctions ministérielles de tout temps, l'historien de l'éducation Antoine Prost montrait une grande limite de l'analyse de l'efficacité des réformes : savoir ce qui se passe vraiment dans la classe.

Le socle commun, aussi mal ficelé soit-il, offre l'opportunité aux enseignants de changer l'école. C'est bien un changement profond qui s'introduit, et bien que le chantier soit ouvert par un gouvernement de droite et soit disant dicté par la stratégie de Lisbonne, nous aurions bien tort de ne pas l'utiliser, lui donner du contenu et des finalités humanistes et émancipatrices, appuyées sur des pédagogies idoines. La marge de manoeuvre existe. En tout cas, le gouvernement a ouvert la boîte de Pandore...

Emmanuel a dit…

Bien, je pense que sur le principe nous serions plus ou moins d'accord.
Notre différence tient à la confiance ou à l'absence de confiance que nous donnons à l'institution et à ceux qui la dirige actuellement.

Encore une fois, je ne néglige pas les questions de pédagogie (j'aurais aimé pouvoir m'y intéresser si l'institution en me ballotant de remplacement en remplacement) m'avait laissé l'opportunité de le faire. Je suis un exemple parmi tant d'autres que la précarisation du métier nuit à la réflexion et à l'élaboration pédagogique.

Je vous rejoins sur le fait que le système actuel n'est sans doute pas satisfaisant et je suis assez bien placé pour voir qu'il produit souffrance, exclusion et humiliation. Reste que le collège unique est une belle idée mais qu'on n'a jamais donné les moyens (pas que matériels) de la réaliser (et la formation des enseignants est un de problèmes de bases de cette question. Massification n'est pas démocratisation et beaucoup confondent l'un et l'autre.
Que l'institution ne soit pas univoque sur la question, j'en conviens. Mais je connais le pouvoir de l'inertie qui conduit au moins disant dans cette institution et j'ai la faiblesse de penser que c'est aussi là le but recherché par certains.
Encore une fois, vous faites confiance, je ne fais pas confiance. Là s'arrête sans doute le débat, c'est ensuite une question de point de vue.

Deux correctifs avant de finir:
A aucun moment je n'ai établi de comparaison avec les fonctionnaires de 1940...je pense que vous avez mal interprété mon propos, il n'est pas besoin d'avoir constamment ce référent moral en vue pour se positionner me semble-t-il.
Enfin le terme "technicien" était justement établi entre guillemets, bien sur que j'abonde dans votre sens: la pédagogie est lié à son contexte. Je ne vous reproche pas une vision de la pédagogie "mécanique" ou "technicienne", masi j'ai tendance à penser que vous la déconnectez par trop de certains faits essentiels SELON MON POINT DE VUE (contexte européen, gouvernement actuel, réduction des effectifs etc...). Vous m'avez fait part de vos nuances et explications, je vous en remercie, mais si je comprends et entends vos propos, je ne serais pas d'accord avec votre démarche qui, selon moi, est trop contradictoire, ou trop aveugle, ou trop naïve...vous choisirez le terme qui vous plaira. A partir de là, la discussion s'arrête. Mais sans rancune aucune, soyons en certains.
Merci beaucoup en tout cas.

Anthony Lozac'h a dit…

Bien entendu, je ne vous attribue pas l'allusion aux fonctionnaires de 1940. C'est une maladresse de style que ne simplifie pas l'échange électronique.
Je pense que notre débat est peut-être révélateur d'échanges qui peuvent avoir lieu en salle des profs. A défaut d'avoir emporté un une opinion, on a au moins développé une compétence importante en démocratie : développer une argumentation en tenant compte d'un point de vue contradictoire, en des termes corrects (pas toujours manifeste sur les blogs et les forums).
Cordialement,
et bonne continuation

petit fute a dit…

les enseignants ont le même défaut que les agrégés et les normaliens : ils ne savent pas faire court, concis, clair.

Ils sont verbeux, pédants, orgueilleux et improductifs

Anthony Lozac'h a dit…

et bien merci courageux "petit fûté" (!?) de votre concision non-verbeuse, respectueuse, productive et éclairante... Personne ne vous oblige à lire ce blog et ces échanges.

Anonyme a dit…

"Les enseignants ont les mêmes défauts que les agrégés ou les normaliens" Heu... Peut-être parce que les seconds sont aussi les premiers ?
Aller droit au but, est-ce vraiment une qualité ?

JR a dit…

- Voilà un compte rendu extrêmement confus !
- La mission de l’école est triple : 1) La transmission des connaissances (mémoire), 2) la réflexion sur et avec les connaissances transmises (intelligence) ; 3) la mise en pratique des connaissances (savoir-faire).
L’approche par compétences (APC) renonce aux points 1 et 2 ( « Enseignants, vous ne tiendrez pas longtemps dans une optique de transmission de connaissances ! ») parce qu’elle considère que la plupart des élèves seraient incapables de suivre un enseignement fondé sur la mémoire et l’intelligence. Cette position a été clairement exposée par le professeur Philippe Perrenoud, un des grands défenseurs de l’APC : « Pourquoi et surtout pour qui veut-on infléchir le curriculum de l’éducation scolaire en faisant une large place aux compétences ? Si l’on ignore l’effet de mode, les raisons sont parfois bien minces en regard des transformations exigées. Et surtout, on ne dit pas clairement que cette réforme s’adresse en priorité à ceux qui ne feront pas d’études longues et ne sortiront pas de l’enseignement supérieur avec des diplômes, une identité, des connaissances, des compétences de haut niveau. Développer des compétences n’est un véritable progrès que pour les élèves qui ne dépassent pas le niveau du bac, voire du certificat d’études. » (Cahiers pédagogiques 476, p. 17)
« Sommes-nous prêts à donner la priorité, dans la construction des programmes à ceux qui ne suivent pas la voie royale des études longues ? Au besoin en retardant un peu la formation des futures élites ? » (ibid. p. 17 ; cf. également notre billet : InCompétences : Remarques sur une idéologie pédagogique : http://laurette.blog.lemonde.fr/2010/01/09/incompetences-remarques-sur-une-ideologie-pedagogique/.
- C’est en cela que l’APC est une théorie pédagogique cynique fondée sur le mépris des élèves, qu’ils soient forts ou faibles ; les premiers ne peuvent pas développer leurs potentialités, les autres sont en fait considérés comme « inéducables ».
- En tant que professeur de lettres classiques attaché à tous ses élèves, qu’ils traduisent avec brio les discours de Cicéron ou peinent à décliner rosa, rosam rosae rosae, rosa, cette fumisterie pédagogique me révulse profondément.
- A côté de la critique pédagogique que nous venons d’esquisser, il faudrait faire aussi une critique culturelle : Si on renonce à la transmission des connaissances, on ne construira pas la société de la connaissance, mais une barbarie par rapport à laquelle l’époque mérovingienne aura été un Siècle des Lumières.
Joseph Reisdoerfer, reisdoe@gmail.com

Anthony Lozac'h a dit…

Vous évacuez bien rapidement l'argumentaire de Mr Raullin sur les compétences, en ne le citant jamais, si ce n'est le titre provocateur pour caricaturer son propos (avez-vous lu l'article, je peine à le croire), en exhumant des phrases qui tenteraient mieux que tout de résumer l'APC... (citer Perrenoud comme d'autres citent l'OCDE).
Quelques questions :
* pouvez-vous citer vos sources concernant les missions de l'école ? Car la focalisation sur les connaissances n'est pas tout, bien qu'essentielle.
* où est la critique pédagogique que vous évoquez ? Je n'ai lu que un amalgame de citations orientées qui s'achèvent par une caractérisation pleine de discernement : "fumisterie". J'admets que vous le pensiez, mais il n'y a pas ici de démonstration.
* vous assimilez la transmission des connaissances à la simple mémoire !! Quelles sont vos méthodes ?
* des études montrent que les systèmes éducatifs font remonter le plancher (l'objet du socle commun) ne le font pas au détriment du plafond (l'élite à laquelle vous tenez tant). Qu'en pensez-vous ?
* pensez-vous que les enseignants qui travaillent par compétences sont au niveau de vos anathèmes ? De nombreux professeurs utilisent les compétences au service des apprentissages des élèves sans enlever en rien la dimension culturelle à laquelle vous tenez quand, sans différencier les exigences entre les élèves. Vous suggérez que nous ne sommes pas attachés à la réussite de tous nos élèves ?! Sommes-nous cyniques ?
La réponse est pourtant toute simple, mais visiblement impossible à comprendre : nous n'opposons pas compétences et connaissances. J'affirme même que le travail par compétences favorise les apprentissages, mais je veux bien entendre que d'autres pédagogies y parviennent tout aussi bien. Les compétences ne modifient même pas les missions de l'école.

Comprenez que dans ces conditions, je ne partage pas votre dernier "argument" :"mais une barbarie par rapport à laquelle l’époque mérovingienne aura été un Siècle des Lumières."
Là, c'est aussi le professeur qui s'inquiète des usages sidérants de l'histoire...
PS : de nombreux dignitaires nazis étaient des gens parfaitement cultivés + il y a eu un lot énorme d'horreur issue même de l'idéologie des "Lumières" + les Mérovigiens méritent peut-être un autre sort que le vase de Soissons.

Nathalie Couzon a dit…

J'ai lu votre billet et les commentaires qu'il a provoqués. Et je vous dis : bienvenue dans le merveilleux monde du débat sans fin sur les compétences vs les connaissances! Oui, bienvenue et attachez vos tuques parce que vous n'êtes pas sortis du bois! Au Québec, le Renouveau pédagogique a privilégié l'approche par compétences et on sait comment ce changement a été perçu... Je vous fais grâce de toutes les attaques à peine démagogiques de certains médias (#ironie), de détracteurs et partisans d'une vision passéiste et rétrograde de l'éducation... Des vertes et des pas mûres, en veux-tu en voilà! Et ce n'est pas fini! Je ne ferai qu'évoquer le nouveau bulletin et les vagues qu'il soulève dans l'opinion publique, le milieu scolaire et les syndicats... Malheureusement, nous sommes toujours pris dans des discours stériles qui veulent opposer compétences et connaissances, qui affirment bien radicalement que travailler par compétences, c'est n'importe quoi, qu'on nivelle par le bas (etc.) parce qu'on fait fi des connaissances (mon oeil!) et blablabla et blablabla. C'est tellement plus simple de critiquer que d'aller vérifier dans les classes les exemples où l'approche par compétences donne de véritables résultats. parce que ça fonctionne! Mais quand ça fonctionne, cela est dû bien avant tout à la compréhension du changement de paradigme que cette approche préconise, à la mise en place de pratiques pédagogiques innovantes, à la valorisation de l'apprentissage, à l'engagement des élèves dans leurs apprentissages, au développement de l'autonomie, ... Bref, je suis découragée de constater que les mêmes critiques sont formulées et que vous serez pris dans le même débat dans lequel nous sommes encore ici. J'espère que vous saurez y apporter du nouveau et du positif. Bon courage.

JR a dit…

@ Nathalie Couzon,
Il n’y a pas seulement eu des attaques « démagogiques » contre la réforme comme vous dites, mais un refus, argumenté, de la part des parents et d’une partie du monde universitaire à tel point que le Ministère de l’Éducation a dû faire marche arrière, notamment au niveau des bulletins et de l’approche par compétences…
Joseph Reisdoerfer